Will Oldham ou Bonnie ‘Prince’ Billy, artiste majeur de la scène folk indépendante, affectionne tout particulièrement les collaborations. Loin d’être anecdotiques celles-ci font partie intégrante de sa carrière puisqu’elles participent amplement à sa reconnaissance. Il abhorre alors le statut d’artiste indépendant et multi instrumentiste. Pour se remémorer de bons souvenirs ou pour découvrir de nouveaux sursauts musicaux, voyons d’un peu plus près de quoi il en retourne à travers les plus réussies d’entre elles.
(The Continental Op ou Will Oldham & David Pajo, Slitch Music, 1993)
Au tout début de sa carrière, Will Oldham aimait déjà l’esprit qu’engendre une collaboration : ce goût du risque, et bien sûr l’attente de la fameuse harmonie. En 1993, David Pajo (membre de Slint, Stereolab et King Kong entre autres) et Will Oldham s’associaient pour créer une musique instrumentale, contemplative. Assez peu connu, cet album mérite tout à fait le détour, dans ses passages les plus expérimentaux comme dans ses moments les plus pop ou les plus rock. Assez original, The Continental Op est plongé dans une ambiance post-rock voire post-folk si le terme existe. Fantasy laisse deviner des toussotements, bruits de pleurs, des alarmes étranges et des mélodies raffinées. On croirait être transporté sur une scène punk à partir de James Tired, un revirement étrange pour la fin de l’album. Cela étant, ce n’est pas dérangeant, c’est tout à fait approprié à l’ambiance générale du disque. La dernière chanson : Unlisted Track ressemble à une hallucination, l’atmosphère est assez lourde, mais pas pesante, c’est comme s’il fallait trouver une bande-son pour illustrer la vie d’un insecte parti chasser.
(Palace Brothers ou Will Oldham & ses frères, Days In The Wake, 1994)
Parmi les pseudonymes de Will Oldham, il y eut pendant un temps l’association de Palace avec toutes sortes de mots comme Brothers ou Music : "Et bien, l'idée était qu'en trouvant le nom d'un groupe ou d'un artiste, vous vous attendiez ensuite sur le prochain album à trouver le même groupe de personnes jouant dessus si vous conservez le même nom. Et je considérais que nous faisions un album différent à chaque fois, avec des gens différents, sur des thèmes différents et en utilisant des sons différents." Ainsi, les Palace Brothers faisaient alors de la folk. En effet, cet album ressemble à un album solo, cependant, il s’agit d’une véritable collaboration entre plusieurs frères Oldham, occupés aujourd’hui à travailler sur différents projets. N’ayons pas peur de le dire, Days In The Wake est un véritable chef-d’œuvre de folk des années 90. Des chansons comme I Send My Love To You, ou You Will Miss Me When I Burn démontrent à quel point le chanteur est avant tout un grand songwriter. Le tout est très cohérent, il suffit de se laisser porter par les ambiances effleurant la tristesse, manifestant la joie dans un souffle vocal. La musique, quant à elle, se suffit à elle-même, ce qui rare. Finalement, la sobriété de la pochette est assez significative de l’atmosphère qui se dégage de cet album idéal pour un dimanche baigné dans la lumière orange d’un soir d’été.
(The Marquis De Tren & Bonny Billy, Get On Jolly, Palace Records, 2000)
Mick Turner alias The Marquis de Tren s’associe le temps d’un album avec Bonny Billy, nouveau pseudonyme qu’il associe à sa musique depuis 1998. Le guitariste de Dirty Three et le maître folk composent un album de 6 titres, Get On Jolly, une musique quasi cinématographique. L’album est parsemé de quelques mots aériens de Will Oldham accompagnant avec brio les guitares de Mick Turner. Le duo fait preuve ici d’une grande délicatesse sans jamais tomber dans l’ennui. Il y a quelque chose qui se passe entre eux, c’est assez magique. Alors, même si cette œuvre est encore assez confidentielle, elle est tout de même d’une grande qualité. Les deux amis ont également sorti un live des chansons de Get On Jolly : Get The Fuck On Jolly en 2000.
(Matt Sweeney & Bonnie ‘Prince’ Billy, Superwolf, 2005)
En 2005, Bonnie ‘Prince’ Billy sort un live -Summer In The Southeast- et cet album avec Matt Sweeney la même année. À l’écoute de Superwolf, on se rend compte à quel point les collaborations sont à la hauteur des albums de Will Oldham. L’artiste ne prend pas ces exercices à la légère, il entre en complète harmonie avec la plupart des artistes qu’il rencontre. À travers eux se dégage quelque chose d’unique, à chaque fois. Ici, c’est comme si la tradition folk-rock des années 60 se transmettait, encore et encore, jusqu’à la transcender dans une classe incomparable. « Let the music rock on ! » lance-t-il sur Goat And Ram. Justement, c’est sans doute ce que l’on voulait sans le savoir. Matt Sweeney assure la plupart des guitares sur cet album tandis que Bonnie ‘Prince’ Billy assure les voix. Ce chant fragile, ces chœurs abondants, ces mélodies lentes ou électriques sont comme ce disque en fait. Il suffit de les approcher pour les apprivoiser tout de suite.
(Current 93 & Bonnie ‘Prince’ Billy : Idumæa ;
Current 93, Birdsong In The Empire, 2007)
Parmi ses collaborations, il me semble justifié de dire que celle-ci est sans doute la plus réussie d’entre toutes. Pourtant, on ne pouvait pas trop savoir à quoi s’attendre. En effet, Current 93 est un groupe assez difficilement cernable, tant leur musique est différente à chaque album. En 2007, le groupe de David Tibet avait décidé de sortir un live avec 14 chansons : Birdsong In The Empire dont une Idumæa, avec Bonnie ‘Prince’ Billy. Il est vrai, Current 93 a parfois une tendance à en faire beaucoup avec ses instrumentations médiévales. C’est donc avec grand bonheur que l’on constate que cette collaboration a mené vers cette composition magnifique, presque a capella, avec juste ce qu’il faut d’instrumentations mais pas trop. Le pari était osé de mettre en parallèle les deux univers assez différents au premier abord. Et pourtant, plus la chanson passe dans le lecteur, plus leur musique ne semble pas si éloignée l’une de l’autre finalement.
(Scout Niblett & Bonnie ‘Prince’ Billy : This Fool Can Die Now, 2007)
Voilà sans doute l’un des personnages féminins les plus intéressants de la musique indépendante contemporaine. Facilement reconnaissable avec sa voix écorchée et sa cape rouge, Scoutt Niblett revenait en 2007 mais accompagnée cette fois. En fait, après avoir composé les chansons de This Fool Can Die Now, elle a tout de suite pensé à Will Oldham pour les duos qu’elle avait en tête. Celui-ci a accepté tout de suite et a donc collaboré sur quelques chansons de cet album comme sur Kiss ou Do You Wanna Be Buried With My People ou encore Comfort You. Et bien, applaudissons cette initiative puisque le résultat est plus que probant. Will Oldham est encore à la hauteur de ses engagements et leur duo dépasse même toutes les espérances que l’on aurait pu placer en eux.
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